Sophie, peintre, me semble-t-il...

Tout au long ma carrière, je me suis interrogée sur la relation entre couleur et parfum, ces deux influences complémentaires.

Des mois durant, j'ai esquissé pour représenter des ports, des paysages de falaises assaillies par les vagues, où la senteur des embruns devait à l'évidence émerger, de simples bouquets de fleurs champêtres, où les arômes contraindraient l'oeuvre en un relief invisible, forcément.

Forcément, voilà le mot clef de tout artiste, obnubilé par sa quête de reconnaissance, son saint graal.

"Forcément" mon oeuvre va être perçue à sa juste valeur, le public va la comprendre, me comprendre !

Mettre sur toile une simple rose pour atteindre la quintessence de son arôme, un arbre pour en ressentir sa force, voilà, le vecteur de mon processus de création. 

"Le processus de création se doit d'impliquer tous nos sens", nous enseigne-t-on aux beaux-arts. Voilà qui est posé.

Mais en définitive, à la fin des fins, ceci n'est pas une rose, ceci n'est pas une pipe.

Mathis à su conceptualiser cette frustration.

Platon, lui, oppose le lit réalisé par l'artisan et sa représentation en peinture, sa pâle imitation. Pour lui, le peintre a commerce avec l'élément inférieur de l'âme, le créateur d'image n'entend rien à la réalité, seule l'apparence importe.

La passerelle entre nos sens ne serait donc artistiquement que chimère ? Pour me rassurer, je me contenterai alors d'emprunter la passerelle entre talent et génie.

Bon, finis les doutes, ma gouache sèche et je me dois de finir ce paysage pour le docteur Gachet.

Septique sur mon talent, mais pas au point de me tailler l'oreille, rassurez-vous !